Le 19/08/2025 les Echos publient un interview avec Aurélien Bigo. Chercheur sur la transition énergétique des transports et associé à la chaire Energie et Prospérité, pour lui une politique cyclable ambitieuse est essentielle pour que les transports rattrapent leur retard en matière climatique.
Lien vers l’article de Anne Feitz
Pourquoi est-il important de développer la pratique du vélo ?
D’abord, c’est crucial dans le cadre de la politique climatique de la France. Dans ses documents stratégiques sur ce sujet, l’Etat a fixé des objectifs ambitieux en matière de part modale du vélo (9 % en 2024 et 12 % en 2030). Or, ces objectifs sont déjà très largement manqués (nous sommes à 3 % ou 4 %), alors que le vélo doit contribuer au rattrapage du retard des transports par rapport à leurs trajectoires climatiques. On sait que 15 % des émissions liées à la mobilité des voyageurs proviennent de trajets compris entre 1 et 10 kilomètres, la distance idéale pour le vélo : ce n’est pas négligeable !
Mais c’est aussi un enjeu de santé publique très important, alors que, selon l’Anses, 95 % de la population souffre d’un risque lié à sa sédentarité. Il y a enfin un enjeu social, car le vélo fournit aux ménages ayant peu d’alternatives à la voiture un accès à la mobilité moins coûteux.
Quel rôle jouent les politiques publiques ?
Les comparaisons internationales montrent qu’elles sont déterminantes. Il n’y a pas de facteur culturel qui ferait que, par exemple, les Néerlandais auraient plus envie de faire du vélo que les Français. Le frein principal est celui de la sécurité : pour séduire une grande partie de la population, il est nécessaire d’avoir des aménagements réellement sécurisés, sans se contenter d’un coup de peinture sur certains axes. Il faut se demander si des parents laisseraient leur enfant de 10 ans aller au collège ou voir des amis à vélo.
Or, des infrastructures cyclables sécurisées nécessitent des financements, qui ne peuvent pas reposer uniquement sur les collectivités territoriales. Notamment, si on veut que les politiques cyclables ne soient pas limitées aux grandes métropoles, mais s’étendent aussi aux zones moins denses et aux plus petites communes, dont les budgets mobilité sont assez limités.
Quelles conséquences peut avoir la baisse des subventions de l’Etat ?
Elle risque de limiter la possibilité de stratégies cyclables un peu ambitieuses dans ces zones moins denses, que ces politiques publiques ciblent en priorité. L’enveloppe budgétaire annuelle consacrée au vélo, tombée de 250 millions d’euros par an à 50 millions cette année, ne suffira pas pour atteindre les 100.000 kilomètres d’infrastructures nécessaires au respect des objectifs climatiques.
On a aussi supprimé les aides à l’achat, notamment sur le vélo à assistance électrique, qui pourtant présente un potentiel important de remplacement de la voiture.
Dans une période où les budgets sont contraints, on pourrait aussi agir sur les volets réglementaires qui existent déjà. Depuis 1995, les collectivités ont ainsi l’obligation légale de réaliser des infrastructures cyclables sécurisées au moment des réaménagements de voirie : faire respecter cette obligation pourrait être structurant pour la pratique du vélo, sans forcément générer des coûts supplémentaires.